out of time (percy, kelyan)

out of time.

Paxton apparut dans le grenier du Manoir Halliwell en poussant un long soupir. Pas encore tout à fait réveillé, il se frotta les yeux et ajusta le bas du survêtement gris avec lequel il avait l’habitude de dormir. Dehors, la pleine lune avait déjà commencé sa descente, mais tout son être lui soufflait qu’il ne pouvait pas attendre le lendemain matin pour consulter le Livre des Ombres. Alors qu’il s’approchait du pupitre en essayant de ne pas faire craquer le parquet pour ne pas réveiller les habitants du Manoir, le sorcier se repassait le rêve bien étrange qui l’avait amené jusqu’ici : Paxton s’y était vu empêtré dans un tas de corps, la gorge tranchée. L’image lui en glaçait encore le sang. Il était pourtant habitué aux cauchemars (plutôt commun quand on passe sa petite enfance à subir des attaques démoniaques, merci les traumatismes) mais là… c’était différent. Prophétique. S’il n’avait jamais vraiment réussi à dompter son don de clairvoyance, il savait faire la différence entre un présage du futur et une simple manifestation de son subconscient. Pour lui, les signes étaient clairs : il allait crever.

Alors qu’il cherchait une formule pour l’aider à décupler son don extralucide le temps d’y voir plus clair, les pages du vieux grimoire se mirent à tourner toutes seules et une formule de voyage temporel se présenta à lui. Il fronça les sourcils et leva la tête au plafond. Quiconque tournait les pages pour lui s’était royalement planté. « Ça ne marchera pas. La formule est faite pour le Pouvoir des Trois. » Il n’avait jamais trop compris pourquoi toute sa lignée s’était tant acharnée à écrire des incantations qui ne pourraient fonctionner qu’à partir de la génération de sa mère. Il recommença donc à parcourir le lourd volume quand, une fois de plus, le Livre des Ombres se rouvrit sur la formule de voyage dans l’avenir. « Okay ! J’ai compris… » grommela-t-il, toujours persuadé que le sort ne pourrait pas fonctionner : en plus de requérir le Pouvoir des Trois, l’incantation était écrite au pluriel et cessait de rimer s’il la récitait au singulier. Mais si c’était la seule solution pour que ses ancêtres lui fichent la paix et qu’il puisse se remettre en quête de la formule souhaitée…

Paxton alluma un cercle de bougies sur la petite table dédiée aux rituels et griffonna sur un bout de papier la date du jour, cinq ans dans le futur. Il prit une longue inspiration pour recentrer son énergie magique, mit feu à la feuille de papier, et récita l’incantation.


Un tourbillon de lumières blanches déferla alors autour de lui et le sorcier disparut.


Quand il rouvrit les yeux, Paxton n’était pas seul. Saisi d’un mal de crâne phénoménal, il fronça les sourcils et plissa les yeux, bien incapable de faire la mise au point sur son entourage immédiat. Il se trouvait dans un grand lit à baldaquin… trop rempli. Dans la pénombre, il parvint à compter quatre autres personnes endormies à ses côtés, dont son voisin immédiat qui poussa un petit grognement quand Paxton s’extirpa de ses bras et sortit du lit. Il clopina jusqu’à la porte de la chambre et s’élança dans le couloir avant de heurter de plein fouet quelque chose de lourd.

Alors qu’il se rattrapait contre une commode en bois, trois choses le frappèrent simultanément. Premièrement, il reconnaissait cette vieille commode et ce papier peint défraichi : il se trouvait au Manoir Halliwell. Deuxièmement, dans sa précipitation, il n’avait pas réalisé qu’il ne portait rien sur le dos. Ce qui, troisièmement, faisait particulièrement ressortir les deux seuls accessoires qui ornaient son corps nu : une petite couronne en or noir solidement accrochée à son crâne et un anneau d’obsidienne qui entourait son annulaire gauche. Le corps contre lequel il s’était emplafonné lui tendit la main et l’aida à se redresser. « Monsieur Rowe ? Pardon, je ne m’attendais pas à vous voir déjà debout, il n’est que midi. Voulez-vous que je prévienne le Cercle Inférieur de votre éveil ? » Paxton leva les yeux vers le colosse, haut de plus de deux mètres et presque aussi large, dont les tatouages tribaux sur le visage indiquaient clairement qu’il s’agissait d’un démon. Le Halliwell se raidit. De toute évidence, le démon n’avait aucune intention de l’attaquer, même s’il s’était planté sur son nom de famille. A moins que… « Savez-vous où se trouve mon mari ? » demanda-t-il en guise de réponse. Le démon le regarda d’abord d’un air interrogateur avant d’éclater de rire. « Vous ne manquez pas d’humour, monsieur Rowe. »

Paxton hocha la tête, un sourire nerveux aux lèvres. Qu’est-ce que c’était que tout ce bordel ? Il habitait au Manoir, s’était marié, et un malabar démoniaque gardait la porte de sa chambre. C’était beaucoup trop d’un coup pour lui et il en avait assez vu comme ça, il préférer rentrer dans son époque immédiatement. Il fit quelques pas en direction du grenier mais le démon lui avait emboité le pas. « J’ai besoin d’être seul pendant un petit moment. » « Vous savez bien que mon Maitre me ferait exécuter sur le champ si je ne vous accompagnais pas en tout instant, monsieur. » Paxton se sentait si oppressé qu’il en eut presque le tournis. Son mal de crâne lui vrillait toujours le cerveau en plus de toutes ces découvertes inquiétantes, et maintenant celui qu’il avait pris pour un garde du corps s’avérait plutôt être un geôlier ? Il sentit une pellicule de sueur froide perler sur son front. « Tout va bien, monsieur Rowe ? » lui demanda le démon en tendant les mains vers lui. Paxton eut un mouvement de recul apeuré. « Mais foutez-moi la paix, merde ! » Ses pouvoirs réagirent avant même qu’il en ait pleinement conscience. Les yeux du démon prirent une teinte violacée et le colosse se raidit. Ses longs doigts pointus empoignèrent un athamé accroché à sa ceinture et, avec des gestes mécaniques, il se poignarda la poitrine à trois reprises avant de tomber au sol dans une marre de sang.

Paxton plaça une main contre sa bouche pour s’empêcher de crier. Venait-il de le pousser au suicide ? Pris de panique, il se mit à courir vers le grenier sans demander son reste, avec une seule certitude en tête : ce futur allait lui faire la peau s’il ne trouvait pas un moyen rapide de rentrer chez lui.

out of time.

Perceval fixait le plafond de sa chambre, comme s'il essayait d'y déceler un quelconque indice à son incapacité à s'endormir. Les heures s'enchainaient et son insomnie ne passait pas. Cette dernière était peut-être causée par l'influence de la pleine lune, qui éclairait son appartement avec la force d'un phare, ou bien cette foutue affaire sur laquelle il travaillait depuis des semaines. Ce tueur en série qui terrorisait les quartiers pauvres de San Francisco lui bouffait tout son temps libre et l'empêchait de sortir pour se changer l'esprit. Ses journées se ressemblaient et se suivaient toutes : café, café, café et café. Un rythme effréné qui dévorait peu à peu toute son énergie. Mais il tenait bon, dans l'espoir d'arrêter cet inconnu qui avait privé tant de mères de leur fils. L'homme s'attaquait exclusivement à des jeunes hommes homosexuels rencontrés dans l'un des nombreux clubs de la ville.

Pris d'une intuition presque surnaturelle, probablement hérité de sa mère et de ses tantes, Perceval se leva brusquement de son lit afin de se diriger vers sa salle de bain afin d'y prendre une douche rapide, mais vivifiante. L'eau qui coulait le long de ses courbes l'aida à se relaxer un temps. Il en profita pour réfléchir à son plan, qui consistait à se rendre dans l'un des clubs pris par cible par le psychopathe, espérant ainsi attirer sa convoitise. Une idée dangereuse qu'il préféra garder pour lui, sans même prévenir son coéquipier. Adrian s'inquiétait beaucoup trop pour lui et Perceval ne voulait pas être responsable d'une énième crise d'angoisse.
Quelques minutes plus tard, il s'extirpa de la cabine afin de se sécher avec une serviette propre qui trainait sur le lavabo. Tandis qu'il frottait ses cheveux avec le tissu, une nuée de lumières blanches l'enveloppa et il disparut, emporté par une force magique inconnue.


« Chéri ? » Perceval ouvrit les yeux et sursauta lorsqu'il remarqua qu'il ne se trouvait plus dans son petit appartement mais dans la cuisine d'une maison résidentielle qui semblait gigantesque. Une télévision accrochée au mur lui renvoya une vidéo de lui, sous laquelle défilait la même phrase en boucle : "le maire Halliwell réélu".
Près de lui, deux petits garçons le regardait avec des yeux ronds, surpris de le voir aussi troublé. Derrière eux, un homme au visage particulièrement séduisant le fixait, une poêle de bacon dans la main droite. « Tout va bien Percy ? » L'ainé des Halliwell se releva du tabouret sur lequel il était assis et recula jusqu'à se taper le dos dans un meuble, qui lui arracha un cri de douleur. « Prince, Perseus, allez mettre vos chaussures, je dois parler à papa. » L'inconnu patienta le temps que les enfants quittent la pièce avant de se rapprocher vers Percy, qui le pointa avec son doigt pour lui intimer de rester à sa place. « C'est quoi ce bordel ? Qui êtes-vous ? » Le brun haussa un sourcil, dans l'incompréhension la plus totale. « Si c'est encore un coup de ton cousin... je vais le tuer pour de bon. » Il s'approcha prudemment de Perceval, qui, curieusement, se sentit assez en confiance pour le laisser faire. Il attrapa tendrement sa main et lui montra l'alliance qu'il portait et qui était gravée d'un symbole qu'il ne connaissait que trop bien. Une triquetra. « Tu dois être sous l'effet d'un sort. On pourrait régler ça avec le livre des ombres de ta famille, mais... »

Le livre des ombres.

Perceval ne savait pas où il venait de débarquer, mais tout lui laissait croire qu'il s'agissait d'une dimension parallèle ou d'un hypothétique futur. Il devait à tout prix se rendre au manoir afin de tirer cette histoire au clair. Le policer, ou maire dans cette réalité, connaissait parfaitement les dangers des voyages temporels et il n'avait pas envie de détruire son futur, qui s'annonçait très prometteur. Pour le préserver, il se concentra et utilisa son pouvoir de projection astrale pour voyager jusqu'au grenier familial. Perceval observa rapidement la pièce qui ne ressemblait absolument pas à celle qu'il connaissait. Le livre ne s'y trouvait plus et de nombreux objets occultes et démoniaques s'entassaient dans un désordre infernal.

Tandis qu'il s'apprêtait à avancer vers la porte, celle-ci s'ouvrit, dévoilant le visage paniqué de son cousin Paxton... qu'il serra aussitôt dans les bras, ravi de voir quelqu'un de familier. « Dis-moi que t'es mon Paxton. J'y comprends rien... j'ai des gosses, putain. » Il était autant médusé que fier de lui. Qui l'aurait cru, avec sa vie de célibataire accro à son job et à la chasse aux démons ?

Comment diable s'était-il retrouvé dans cette villa ? Avait-il trop bu au point de finir chez un parfait inconnu ? Ça ne l'aurait pas étonné, c'était bien son genre mais de là à ne pas s'en souvenir. Non, quelque chose d'autre clochait, il se souvenait être au manoir, à moitié mort dans sa chambre entrain de discuter par SMS avec un éventuel plan cul, un joint à la bouche et un unième verre d'alcool à la main puis, plus rien avant maintenant. Est-ce qu'il était chez ce même type ? Sa queue avait-elle pris le contrôle de son esprit pour le guider jusqu'ici ?

Il fut sorti de ses pensées par une voix grave qui résonna dans la grande pièce vitrée. « Monsieur, la voiture est prête. » « Euh, d'accord. » dit-il complètement paumé. Il se leva du canapé de cuir sur lequel il s'était réveillé et s'approcha de l'armoire à glace avant de s'arrêter net. « Non, pas d'accord. Pardon mais vous êtes qui au juste ? C'est avec vous que j'ai baisé cette nuit ? » L'inconnu en costard s'esclaffa avant de secouer la tête. « Non, nous n'avons pas encore eu cette chance Monsieur. » Cette remarque le fit légèrement rougir mais il se ressaisit rapidement, pas question de perdre son objectif actuel de vue pour de la cuisine espagnole. Pas pour l'instant en tout cas.

« Est-ce que tout va bien ? Vous m'avez l'air perdu. C'est vous qui m'avez demandé de faire venir la voiture il y a dix minutes, vous ne vous en souvenez pas ? » Clairement pas, non. « Oui, oui bien sûr. Désolé, j'ai la tête ailleurs. » finit-il par admettre alors que son regard retournait sur la télévision qui affichait une photo de son cousin. *Le maire hein, rien que ça.* Kelyan écarquilla les yeux en apercevant la date du jour sur l'écran. Merde, il était dans le futur. Il fut pris d'un léger vertige qui l'obligea à reposer ses fesses sur le fauteuil et resta là plusieurs minutes, la respiration saccadée et en proie à un profond stress.

« Monsieur ? » Mais le blond ne répondit pas. « Vous vous êtes encore dopé au sang de fée hier soir ? J'vous trouve très étrange aujourd'hui. »
Il se releva en ignorant cette information dégueulasse. « J'ai l'impression d'avoir perdu des bribes de souvenirs. » Puis il déambula dans la pièce à la recherche d'un quelconque indice, d'une quelconque photo mais il ne trouva rien. La décoration était certes, splendide et luxueuse mais il ne trouva aucun objet personnel qui aurait pu l'aiguiller sur le sens qu'avait pris sa vie. « Qui d'autre vit ici ? » Autant essayer de grappiller quelques infos sur son futur maintenant qu'il était là et cette question fut la première à laquelle il pensa. Il avait besoin de savoir si avec le temps, il allait enfin finir par se calmer et se ranger.

« Personne depuis la mort de votre mari. » D'accord, donc une baraque luxueuse, un mari mort. Ça ne le surprendrait même pas d'apprendre que c'est lui qui l'a buté pour toucher le magot. « La mort de mon mari ? » répéta-t-il dans l'espoir d'avoir plus de détails. « Gabriel. Vous l'avez tué pour protéger l'ancienne Source et vous lui avez volé ses pouvoirs. » Kelyan était donc devenu un enfoiré encore plus gros qu'avant s'il avait été capable de tuer Gabriel pour protéger le précèdent roi de l'enfer. Il s'était séparé de l'incube dans le présent mais de toute évidence, leur histoire était vouée à connaître un destin encore plus tragique qu'une simple séparation. Qu'est-ce qui aurait pu le pousser à faire ça ? Kelyan avait assez d'informations pour l'instant et ne désirait pas connaître d'autres détails sordides de son avenir. Tout ce qu'il voulait, c'était rentrer chez lui et pour ça, une seule option s'offrait à lui : le livre des ombres qu'il espérait être toujours au manoir.

Une certaine peur au ventre à l'idée de croiser un membre de sa famille à qui il savait que son futur lui aurait fais du mal d'une quelconque manière, il essaya de s'éclipser mais rien ne se passa. Il réitéra l'opération mais encore une fois, ce fut inutile. Avait-il perdu ses pouvoirs en subtilisant ceux de son défunt mari ? Il agita une main dans le but de détruire un vase aux motifs égyptiens et l'intégralité du mur derrière explosa dans un énorme vacarme qui le fit sursauter et reculer de plusieurs pas. Un sourire aux lèvres en constatant l'évolution de son pouvoir, il se retourna vers son laquais dont le sentiment de panique était à peine masqué derrière son magnifique visage. « Vous savez pourquoi je ne peux plus m'éclipser ? » demanda-t-il, prit de panique. « Vous éclipser ? Monsieur vous m'inquiétez beaucoup, vous avez vendu ce pouvoir à l'ancienne Source pour qu'elle vous venge des fondateurs rappelez-vous. Vous devriez peut-être convoqué le reste de la Triade pour démêler tout ça ? » Le visage de l'hybride se décomposa sur place à la mention du trio maléfique dont apparemment il faisait partie mais enfouit cette information au plus profond de lui. « Non ça ira, je vais gérer tout seul. » Pas bien convaincu par ce qu'il disait, il récita une formule de son crue pour se téléporter jusqu'au grenier de la maison familiale. Il chercha immédiatement le livre du regard et tout espoir s'en alla rapidement en constatant les objets démoniaques qui étaient entreposés dans la pièce qu'il ne reconnaissait plus. Il doutait même que le manoir appartienne encore aux Halliwell ou alors ces derniers avaient tous changé de camp.

Il fut plus qu'heureux de voir Paxton et Perceval à l'entrée de la pièce et se dirigea naturellement vers eux, oubliant un instant ce que son futur lui était devenu. « Les mecs, si vous saviez comme je suis content de vous voir ! » Il leva les mains en l'air pour ne pas paraître menaçant, s'attendant à être attaqué pour ses futurs agissements dont il n'a pas encore conscience. « J'viens en paix. Vous allez pas me croire mais je suis pas Kelyan. Enfin si, c'est moi mais j'suis pas celui que vous croyez. » Il était entrain de s'emmêler dans ses paroles. « J'arrive de 2022 alors je sais pas quel passif vous avez avec ce Kelyan mais j'vous assure que c'est pas moi. » Du moins, ça ne l'est pas encore.